Il est de ces créateurs qui vous inspirent ! Dans la catégorie talent, j’ai nommé Alexis Lopez, jeune auteur, réalisateur et photographe passionné. Il vit du côté de Bordeaux, mais voyage dans le monde entier pour réaliser ses projets. La plupart de ces derniers sont réalisés avec Jérémie, son frère. Des Frères Hublot, en passant par “Inlove” et “36 Pavés de Symbiose” jusqu’à la survie en Sibérie : retour sur des projets artistiques engagés !
A 16 ans, Alexis étudiait en internat à Périgueux. Le mercredi après-midi, il s’ennuyait. Il allait alors lire des bouquins à la bibliothèque. Le documentaliste qui travaillait là-bas adorait le cinéma, tout comme lui, alors il achetait un tas d’ouvrages sur le sujet. C’est là que tout a commencé pour Alexis. Avant d’aller à sa rencontre, voici un retour sur quelques uns de ses projets marquants.
2016 : Création de la chaîne Youtube “Les Frères Hublot”, qui rassemble aujourd’hui plus de 200.000 abonnés, pour 23 millions de vues cumulées.
2018 : Réalisation du court-métrage “Inlove”, qui aura par la suite 120 sélections et 25 prix en festivals à l’international.
2019 : Aventure en Sibérie pour la chaîne Youtube Les Frères Hublot, soutenue par le CNC.
2020 : Premier projet photographique “36 Pavés de Symbiose”.
En cours & à venir : Réalisation de deux court-métrages de fiction : “Happy Deal” et “Cosmos”, et la concrétisation d’un projet photographique d’envergure en Asie du Sud-Est.
On peut avoir mille idées et projets en tête. Ceux d’Alexis m’ont marqué par leur qualité et leur pertinence. J’ai voulu en savoir plus !
PARTIR A L’AVENTURE
Raconte-nous le parcours de ta chaîne youtube ?
J’ai commencé sur Youtube avec Jérémie en 2015, nous nous sommes spécialisés dans les jeux de rôles grandeur nature. Puis, en 2018, nous avons bifurqué vers des sujets qui nous tenaient à cœur, entre le carnet de voyage et le journalisme. Depuis, on réalise moins de projets, mais ils sont à mon goût plus qualitatifs. Grâce à l’aide du CNC Talents, nous avons pu financer notre expédition en Sibérie. D’autres beaux projets arrivent pour 2020 et 2021, toujours dans la même veine.
Quelle a été ta plus belle aventure dans le monde ?
Sans aucun doute le tournage de la fiction “InLove”, le premier court-métrage de fiction que nous avons réalisé avec Jérémie, mon frère. Un tournage intense de sept jours dans le désert de Tabernas, au sud de l’Espagne. Nous avions ni eau, ni électricité, ni logement, ce qui n’est pas évident quand on tourne une fiction avec vingt techniciens ! Nous dormions dans de grandes tentes militaires, et chaque jour, les régisseurs devaient récupérer de l’eau de source volcanique à quelques kilomètres du plateau pour que nous puissions prendre des douches et manger. Et ça, c’est sans compter la tempête de sable qui débarqué à la fin du tournage, et bien d’autres péripéties… Bref, l’aventure.
Je ne pensais pas que vous aviez vécu tout ça pour “InLove” ! Par ailleurs, c’est un court-métrage à voir, vous pouvez actuellement le retrouver chez Far Ouest. Et quelle a été la pire galère parmi tes aventures ?
Nous sommes partis en Sibérie l’été dernier avec Baptiste Dulaar, un aventurier, pour traverser l’Oural à pied. Il devenait très difficile de marcher à partir du dixième jour, non pas parce que nous étions fatigués, mais plutôt parce que nous n’avions plus de nourriture. Je passais mon temps à rêver de pâtes, de chocolatines, de pizzas… Nous avons perdu pas moins de sept kilos, avant de rejoindre une rivière qu’on a descendu en radeau, et je crois que c’était vraiment la pire galère. Le pire, ce n’est pas d’avoir faim, mais c’est de te demander si tu vas bel et bien manger un jour. Il faisait froid et nous devions traverser sans arrêt des rivières. L’eau était si froide qu’on avait la sensation qu’elle brûlait la peau. Et puis, l’aventurier que nous suivions avait pour philosophie de voyager sans carte, sans GPS, et sans téléphone satellite. Difficile de se rassurer dans des conditions pareilles. Heureusement, après ces 15 jours sans trouver de nourriture, nous avons pêché une bonne cinquantaine de poissons en moins de cinq minutes… De quoi remonter le moral !
Quel est le projet dont tu es le plus fier ?
Celui qui sortira en 2021 (affaire à suivre…)
DES SUJETS DE SOCIÉTÉ
Sur quels sujets de société t’es-tu penché dans ton travail ?
Je m’intéresse particulièrement à l’injustice sociale, ainsi qu’aux dégâts environnementaux et humains.
Quel a été ton reportage le plus marquant ?
Je suis jeune, ce serait prétentieux de dire qu’un de mes travaux est marquant aux yeux des gens, mais je peux parler de celui qui m’a le plus marqué ! Il s’agit sans aucun doute du mouvement des Gilets Jaunes. J’ai passé plus de vingt samedis à photographier et filmer les manifestants, j’ai très vite été marqué par la violence dont ils étaient victime. Des violences physiques mais aussi morales, notamment via les médias mainstream qui ne les qualifient que de “casseurs, idiots, racistes…”. Le mouvement des Gilets Jaunes est né d’une souffrance des classes populaires, et la seule réponse du gouvernement a été de les ignorer. Pire, de les frapper. Un peu facile, comme réponse, non ?
C’est certain, et à mon avis, je ne pense pas que les futures façons de réagir aux manifestations seront bien différentes. Je regrette aussi le traitement médiatique de toute cette période. Selon toi, quel rôle a l’image dans l’information grand public ?
La vidéo et la photo, comme les autres moyens d’expression, sont déterminants vis-à-vis de la trajectoire que prend notre société. Le problème, c’est que les médias n’exercent pas toujours leur fonction de quatrième pouvoir (on l’a vu sur les Gilets Jaunes). Ce n’est pas tant de la faute des journalistes, mais plutôt de certains diffuseurs. C’est pourquoi j’ai pris la décision de diffuser certains de mes reportages sur Youtube. Je peux ainsi traiter de problématiques différentes de la TV ou de la presse papier. Parfois avec plus de liberté, tant sur la forme et sur le fond. Mais Youtube n’est pas miraculeux, il est difficile de financer des projets avec cette plateforme, et les algorithmes ne référencent pas bien les vidéos informatives. Pour élargir son audience, il vaut mieux créer des vidéos “feelgood”. Donc l’un dans l’autre… Même si la vidéo et la photo sont des outils très intéressants pour informer les gens, le problème réside aujourd’hui dans les plateformes de diffusion.
Comment te positionne-tu en tant que créateur sur un sujet de société ?
Comme je disais tout à l’heure, je m’intéresse particulièrement aux injustices sociales, et aux dégâts environnementaux et humains. Au début, comme tout le monde, il faut bien manger, alors j’ai du faire des projets bidons. Mais, les années passent et j’acquière suffisamment d’expérience pour me concentrer sur des sujets plus engagés, éthiques. Mon dernier projet d’exposition intitulé “36 Pavés de Symbiose”, est politique. “HappyDeal”, le film que nous écrivons avec mon frère l’est aussi.
PROJETS EN DEVENIR
Quels sont tes projets pour cette année ?
Nous écrivons avec mon frère deux fictions pour le cinéma, “HappyDeal” et “Cosmos” qui seront tournés d’ici fin 2021, et je viens de finaliser “36 Pavés de Symbiose”, une série photographique portant sur le mouvement des Gilets Jaunes. Cette dernière sera diffusée en festivals de photographie cette année. En parallèle, je finalise un reportage photo en Asie du Sud-Est dont je ne peux pas encore parler, avec un ami dont je ne peux pas révéler l’identité. Je peux juste te dire qu’on prend beaucoup de risques pour ce sujet qui touche à l’environnement, on espère qu’il fera écho dans la presse.
Quelle est ton ambition avec les Frères Hublot ?
Devenir millionnaire ! C’est notre ambition depuis le début, c’est pour ça qu’on a commencé à créer des vidéos dans le garage de la maison ! Non sans rire, on considère Youtube comme une plateforme pour expérimenter plus qu’une fin en soi. Nous n’avons pas d’autre ambition sur cette plateforme, on ne rêve pas d’atteindre le million d’abonnés, de devenir des supers-stars de Youtube.
Quel est ton objectif avec la photo et la vidéo ?
Si tenir un appareil photo ou une caméra me permet de faire changer des choses en faveur des personnes démunies ou de l’environnement, alors je crois que mon objectif sera accompli. Il y a du boulot…
Partagera-tu toujours ton travail entre photo et vidéo, où compte-tu te pencher sur l’un plus que l’autre ?
A terme, j’aimerais continuer le reportage photo en parallèle du cinéma. Ce sont les deux médiums à travers lesquelles j’aime le plus m’exprimer, et ils sont selon-moi complémentaires. La photographie me permet de prendre le temps de la rencontre avec des gens que je n’aurais jamais rencontré auparavant. La fiction, elle, me permet de raconter l’histoire de ceux que je ne peux pas rencontrer, ou de ceux que j’aurais aimé rencontrer. Via ces deux médiums, je peux porter un regard singulier, une esthétique qui me parle, et raconter des histoires. Je crois aussi simplement que c’est une question de feeling. La photographie est instantanée, je prend l’appareil photo, je cours dans une foule de manifestants et je shoot. Le cinéma, c’est parfois deux ans d’écriture pour un projet, c’est très long à mettre en place, mais on prend le temps de la réflexion jusque dans les moindres détails.
Merci pour ce partage, Alexis ! On peut retrouver ton travail sur Instagram, Youtube, et très bientôt dans les festivals de cinéma (croisons les doigts pour 2020). Cher.e.s lecteurs.trices, n’hésitez pas à nous donner vos retours en commentaires ! On se retrouve la semaine prochaine pour un nouvel article. Prenez soin de vous durant le déconfinement !
Laura Van Puymbroeck